La grande unification : état des lieux

La théorie de grande unification : de quoi s'agit-il ?

 Le divorce apparent entre la théorie de la gravitation (A. Einstein) et la représentation quantique de la réalité (De Broglie, Dirac, Pauli, Heisenberg, etc.) est bien connu du public français. Il occupe les cerveaux des plus brillants cerveaux depuis plusieurs décennies. Nous en sommes là ! Un siècle de recherches assidues n’a pas encore permis de combler le hiatus. Abstraction faite d’une proposition récente[1], la découverte d’une théorie de grande unification solide et acceptée par le plus grand nombre reste une quête donquichottesque.

[1] Une équipe lyonnaise aurait récemment vérifié la validité d’une thèse de gravitation quantique valable dans un univers de dimension deux. Malheureusement, nous ne vivons pas dans un tel univers !

Les tristes bégayements de l'histoire humaine

Certains historiens, discutant des épisodes guerriers pavant l’avancée de l’humanité vers un futur incertain, disent que « l’histoire bégaye ». Les événements en cours de déroulement sur les frontières Est de l’Europe leur donnent raison. Pour certains chercheurs[2], il semble qu’il en soit de même sur le front de la recherche en physique, au moins au niveau de la partie qui en interroge les fondations. Que cachent leurs doutes ?

[2] C’est par exemple le point de vue expliqué en de nombreuses occasions par le docteur S. Hossenfelder [voir par exemple sur Internet sa conférence tenue à l’Université de Stuttgart en mai 2019], [01].

Ce point de vue a été confirmé quelques mois plus tard par une autre personnalité auquel le public allemand renvoie un écho très positif. Je veux citer le docteur Harald Lesch. Son aptitude inégalée à présenter les sujets les plus divers et les plus compliqués des sciences (par exemple dans la série télévisée Terra X) justifie amplement l’indiscutable réputation. Les deux chercheurs que je viens de citer ont le courage de livrer un état des lieux réaliste. Ce diagnostic ne fait pas l’unanimité. Il a cependant le mérite de faire avancer un peu la réflexion sur l’impasse dans laquelle la recherche semble s’être fourvoyée.

Un courageux état des lieux

Les quelques esprits encore libres que comptent les communautés scientifiques ne se contentent pas de faire un nième rappel de l’état actuel de l’art.

Ils considèrent que la recherche fondamentale en physique des particules stagne. Pour justifier leur diagnostic, ils osent commencer une analyse approfondie des causes de cette stagnation apparente.

Ils interrogent la philosophie naturelle se situant à la racine de toutes les théories sensées décrire la nature. Ils reviennent par là-même un poil en arrière dans la façon de pratiquer les sciences. En interrogeant les bases sur lesquelles reposent le modèle standard actuel, ils adoptent une attitude tout à fait rationnelle.

Pour certains, les déboires rencontrés provient d’un excès de confiance fait au « principe de beauté ».

Mon analyse du principe de beauté

Je souscris à cet argument pour au moins deux raisons :

  • Parce que les critères de la beauté sont subjectifs. Ils sont probablement propres à chaque individu humain. Qui plus est : si la beauté d’un groupe d’équations résulte du fait qu’il décrit effectivement une partie de la réalité ; alors ces équations n’ont pas une beauté intrinsèque résultant de leur forme graphique. Elles ont une beauté liée à l’admiration que nous pouvons leur porter après coup à cause de la prouesse qu’elles symbolisent : celles de représenter un bout du réel.
  • Parce ce que tous ceux ayant vu des documentaires présentant la vie de chercheurs, tels Copernic, Newton, Einstein, E. Cartan, les Curie et les milliers d’autres – moins connus- pratiquant quotidiennement les calculs mathématiques théoriques connaissent les difficultés logiques, techniques et politiques auxquelles ils doivent faire face. Et ces difficultés n’ont rien d’esthétique !

Ainsi, la beauté des équations caractérisant une théorie :

  • peut seulement être un critère secondaire pour juger cette théorie ;
  • peut seulement être le fruit de l’écho positif d’une confrontation réussie avec la réalité ;
  • ne peut pas être la motivation première de cette théorie. Sous-entendu : une théorie juste n’aboutit pas nécessairement à un ensemble d’équations dont la beauté serait le premier indice de leur justesse – ante expérience.

Le vieux rêve d'une théorie de grande unification en physique

En attendant, une opposition frontale au système ne mène en général à rien sinon au risque de perdre son emploi ou sa vie. Il semble qu’une rationnelle consiste à apporter sa modeste pierre à l’édifice, avec humilité et en suivant les labyrinthes de la hiérarchie sociale … en n’oubliant jamais le milieu dont on est issu.

 

Ainsi, un amateur ne peut bien entendu pas avoir un avis bien renseigné sur l’état actuel de la recherche. Mais il vit à une époque extraordinaire mettant à disposition du public infiniment de moyens de s’informer. Les contemporains de Brahe, Copernic, Keppler, Descartes, Newton et bien d’autres en seraient jaloux.

 

Cet accès à la culture, générale ou spécialisée, lui donne l’opportunité d’apprendre, en particulier dans le domaine à la fois multiple et spécifique des sciences physiques. Alors espérons encore quelque temps que le vieux rêve de la grande unification deviendra un jour réalité pour le plus grand bénéfice de tous ; et non pas pour qu’une partie des humains en avilisse une autre !

© Thierry PERIAT, le 12 avril 2024 (parution initiale du 29 janvier 2022).

Bibliographie

[01] Hossenfelder, S. : Lost in Maths, ou comment la beauté égare la physique ; Les Belles lettres, Paris, 2019 ; accessible sur lesbelleslettres.com.

Il suffit de surfer sur Internet en tapant le nom de cette chercheuse pour découvrir l’intensité de son travail (en américain et en allemand).