De mémoire d’hommes, il n’y a jamais eu autant d’humains sur Terre ; jamais autant d’objets connectés permettant qu’ils communiquent entre eux.
Et pourtant, bien des habitants des cités géantes qui s’égrènent aujourd'hui à la surface de la planète vous le confesserons : ils ne se sont jamais sentis aussi seuls.
Ils ont, en dehors de leur propre famille (s’ils en ont encore une ou s'ils ne se sont pas fâchés avec elle) ou de leurs collègues de travail - mais avec combien d’entre eux peuvent-ils vraiment parler à cœur ouvert ?- la sensation anxiogène et désespérante d’errer dans une foule qui les ignore.
Elle est pourtant bien là cette foule ! Ils ne la rêvent pas ... Chaque matin en se rendant au travail, ils la voient. Elle est omniprésente : dans les rues, dans les métros, les bus et les trains bondés de banlieue.
Mais, sauf à cogner par mégarde le coude d’une de ces ombres passantes, ces innombrables fourmis semblent aveugles et elles ne se parlent pas.
C’est pour cela qu’à la fin de mon adolescence, j'ai fini par rêver des campagnes luxuriantes et des horizons maritimes. J'ai finalement choisi d’aller vivre dans l’univers certes plus restreint mais infiniment plus humain d’une petite ville de campagne… et de prendre le temps qu’il fallait pour méditer sur l’incommunicabilité des pensées humaines.
Comme l’a découvert Descartes il y a bien longtemps : ils (les humains) sont là, donc ils pensent. Ils ont tous quelque chose dans la tête, une voie intérieure plus ou moins bien articulée et plus ou moins bien consciente d’elle-même ; mais ils l’ont.
Leur unique mais gigantesque problème : ils ne savent pas articuler clairement leurs pensées et ils ne mettent pas en place des systèmes sociétaux autorisant la transmission sincère de celles-ci pour le cas où ils seraient finalement parvenus à la formuler.