La cosmologie quantique

La cosmologie quantique sur Internet

Le nombre des réponses qui peuvent être obtenues en tapant les deux mots « cosmologie » « quantique » (ou, pour ceux qui ne rechignent pas à lire ce qu’en disent les anglophones « quantum » « cosmology » ou/et les germanophones « Quantum » « Kosmologie ») dans un moteur de recherche est impressionnant.

Une discipline improbable

Bien entendu, dans le cadre des sciences rationnelles, le doute est toujours justifié ; Descartes ne s’opposerait pas à cette attitude.

La lecture des réponses proposées sur Internet renforce le doute entourant le la notion de cosmologie quantique.

L’article de l’encyclopédie libre Wikipédia [01] consolide impression puisqu’il emploie le qualificatif de discipline spéculative à son égard.

Ce jugement peut paraitre sévère mais il se fonde sur la contradiction profonde à vouloir juxtaposer les domaines de la physique que les deux mots, « cosmologie » et « quantique » sous-entendent implicitement.

Tout sépare ces domaines, ou presque. En effet, le premier s’intéresse à l’infiniment grand alors que le second se concentre sur l’infiniment petit.

Pour rendre ce grand-écart plausible, une seule solution logique. Elle consiste à affirmer que la cosmologie quantique étudie l’univers au cours de ses premiers instants, peu de temps après la survenue du Big-Bang !

Cosmologie quantique : les avis de ceux qui doutent

D’autres réponses augmentent encore plus les premiers doutes.

Tout simplement parce que leurs auteurs publient leurs réflexions dans une revue consacrée à la philosophie, [02 ; 2000].

Certains autres, par exemple dans [03 ; 2006], se posent la question de savoir si un tournant dogmatique est en train de s’opérer en cosmologie. Ils examinent donc la discussion à un niveau religieux et non pas scientifique.

Certaines revues en ligne ne lèvent pas plus le voile sulfureux entourant le sujet ; par exemple [04] le traite en laissant penser que la notion de cosmologie quantique se rapporte plus ou moins automatiquement à la très suspecte et très controversée hypothèse des univers parallèles.

La cosmologie quantique vue par ceux qui y croient

Une attitude optimiste et rationnelle

Faut-il pourtant renoncer à étudier cette discipline spéculative ? Chaque atome n’est-il pas la preuve concrète de l’union réussie entre les visions des théories quantiques et l’environnement gravitationnel dans lequel nous vivons ?

L’humain, curieux par nature, ne renonce pas forcément devant l’obstacle – eût-il a priori et apparemment un abord insurmontable.

Christophe Colomb n’avait-il pas lui-aussi fait un pari complètement fou en partant à la découverte des Indes par la route occidentale ? Combien même une quête un peu folle se fixant pour but de comprendre les mécanismes d’interaction entre la physique quantique et les champs de gravitation devrait aboutir sur un tout autre rivage que celui attendu ; peut-être découvrirait-elle une sorte d’Amérique !

Au début des années 2000, des auteurs s’exprimant dans la langue de Shakespeare ou en américain ont d’emblée placé la discussion sur un plan scientifique. Voir par exemple une introduction à la cosmologie quantique dans [06 ; v1 en fin 2000]

Pour l’heure, dans le cadre actuel du modèle standard de la cosmologie reposant sur l’hypothèse d’un Big-Bang initial, seuls des télescopes (Hubble, James Webb) pourront peut-être apporter l’éclairage expérimental nécessaire à valider ou à invalider les modèles énoncés par les théoriciens.

Un peu d'histoire

Puisque les domaines de définition des deux disciplines impliquées dans le concept de cosmologie quantique sont a priori totalement disjoints, il semble légitime de se demander :

« Qui a commencé à proposer ce concept? » « Au détour de quelle réflexion ? »« Pour résoudre quel problème ? »

Certains font remonter la nécessité de réfléchir au concept à un article historique cosigné Einstein-Rosen en 1935 [07].

Les formalismes canoniques en gravitation quantique (dont la cosmologie quantique est présupposée être une sous-branche) sont fondés sur une quantification de la théorie de la gravitation (rebaptisée entre temps relativité générale) d’A. Einstein [13] lorsque celle-ci est formulée dans un cadre hamiltonien. Les pionniers de cette approche sont notamment Dirac, Bergmann, Arnowitt, Deser, Misner, Wheeler et De Witt.

La gravitation quantique acquiert progressivement ses lettres de noblesse, notamment grâce aux travaux d’Ashtekar et de Bojowald entre les années 2000 et 2015.

La branche francophone prend également progressivement conscience de l’intérêt à positionner le sujet sur le plan rationnel. Elle participe au développement de la gravitation quantique dite « à boucles », à laquelle C. Rovelli contribue activement [16].

Les difficultés techniques à surmonter

La quantification de l'espace-temps

A supposer que le concept de cosmologie quantique ait un sens et un avenir, l’une des épreuves à surmonter concerne la quantification de l’espace-temps lui-même.

Trouver un champ commun

Cette quantification est nécessaire car la théorie de la gravitation d’A. Einstein en fait de l’espace-temps un objet physique à part entière. Au grand damne de certains, il se substitue d’une certaine façon à l’éther. Plus important que cette querelle dépassée, il s’inscrit dans une démarche privilégiant la notion de champ. Qui, elle, n’est pas contradictoire avec les outils dont se sert la physique quantique.

Un champ a son existence propre et peut se déformer. Le champ de gravitation ne fait pas exception. Les ondes gravitationnelles et l’effet Thirring-Lense sont deux phénomènes confortant cette affirmation.

Leur existence expérimentale a été démontré récemment. Par ailleurs et bien avant cette confirmation, », dès les années soixante-dix, les prédictions théoriques avaient motivé la création d’une discipline étudiant spécifiquement ces déformations, la « géométrodynamique ».

La terrible question du temps

Une analyse approfondie des travaux d’A. Einstein met en évidence une problématique autour de la notion de temps [08].

Ce constat implique donc indirectement la nécessité de construire des théories alternatives résolvant la question de l’émergence de la notion de temps, voir par exemple l’article [09 ; 2013].

Malheureusement, Misner (un des trois auteurs du livre désormais mondialement connu « Gravitation » [10]) publie l’article [11] en 1969.
En utilisant la procédure dite A.D.M (3 + 1 de notre côté de l’Atlantique ; [14], [15]), il parvient à quantifier la métrique spatio-temporelle… .

Et il démontre qu’il n’y a aucune contribution notable des états caractérisés par de petits nombres quantiques … même en descendant à l’échelle de Planck !

L'absence d'une théorie unique de gravitation quantique

Une autre difficulté de taille tient au fait qu’une théorie de cosmologie quantique va forcément se baser sur les résultats d’une théorie de gravitation quantique.

Or il n’y a à ce jour aucune théorie de gravitation quantique stable et validée par l’expérience s’appliquant à un univers de dimension quatre ! A la place de cela, il y a des dizaines d’essais.

La théorie des boucles quantiques parvient à quantifier longueurs, surfaces et volumes grâce à des procédures mathématiques qui ne sont pas simples à comprendre et à maîtriser [16].

Malheureusement, les rares expériences menées pour tenter de mettre en évidence ces quantifications ne clarifient pas la situation. S’il existe un maillage de l’espace-temps, sa taille se situe très en dessous des dimensions accessibles aux instruments actuels.

Il semble donc que la piste consistant à quantifier l’espace-temps lui-même soit dans une impasse.

L'absence d'un véritable principe fondateur

Martin Bojowald, un des maîtres d’une approche modernisée sur le sujet, explique dans [12] les fondements intellectuels de cette théorie.

Il s’agit de découvrir les lois de la physique s’appliquant à toutes les échelles de grandeur.

Les résultats théoriques acquis précédemment et l’indécidabilité expérimentale rendent désormais pertinent de se demander ce qu’il faut quantifier pour réaliser la jonction entre gravitation et physique quantique… si jonction il peut y avoir.

Les recherches effectuées peuvent se ranger dans quelques catégories. Certaines sont désormais devenues populaires aux yeux d’un public amateur et semi-averti : théories des cordes, théories de la géométrie non-commutative, théorie des boucles quantiques, théories de supersymétrie, etc.

Aucune vision satisfaisante ne parvient cependant à émerger et à imposer son point de vue aux communautés scientifiques. A tel point que l’auteur de [12] finit par s’interroger sur la nécessité de continuer à vouloir s’intéresser à cette thématique. Les arguments avancés pour poursuivre l’étude de cette discipline n’ont finalement pas de lien exclusif avec elle. En clair, ils ne s’appliquent pas qu’à elle et ne suffisent donc pas à la caractériser.

La cosmologie quantique semble surtout être devenue un alibi, un puissant moteur boostant les recherches fondamentales tous azimuts. Elle agit comme un poil à gratter obligeant à poser des questions mettant en doute notre cosmologie actuelle. Elle force à explorer plus à fond les questions qu’elle sous-tend mais auxquelles nous n’avons pas encore pris le temps de répondre.

Une autre piste de recherche

Cette situation fonde indirectement un avis exprimé en 2020 par Dyson Freeman.

Il suggère de :

  • réorienter la quête sur la piste d’une comparaison entre gravitation quantique et thermodynamique ;
  • de ne pas s’enferrer sur une quantification directe de l’espace-temps.

En effet, la thermodynamique illustre parfaitement comment un phénomène se déroulant à l’échelle microscopique (le mouvement des particules) est la cause effective d’un phénomène ressenti à l’échelle macroscopique. La température d’un corps matériel est la résultante du mouvement des particules qui le constituent.

La gravitation ressentie à notre échelle ne serait-elle pas alors essentiellement le résultat collectif d’une glue existant aux échelles pico-scopiques ?

La question est posée.

Pour en savoir bien plus

Pour ne citer que quelques exemples :

  • Wikipedia,
  • astrosurf.com,
  • techno-science.net,
  • futura-sciences.com,
  • ca-se-passe-la-haut.fr,
  • researchgate.net,
  • les interviews de Carlo Rovelli ou de James Hartle sur YouTube,
  • la revue Springer,
  • le dépôt arXiv,
  • sciencedirect.com,
  • futury.org,
  • le journal Nature,
  • mdpi.com,
  • aps.org,
  • space.mit.edu (le fameux MIT),
  • worldscientific.com,
  • academic.oup.com (l’Université d‘Oxford),
  • scientificamerican.com,
  • cambridge.com (l’université de Cambridge),
  • imperial.ac.uk,
  • degruyter.com,
  • academia.edu,
  • … et (mea culpa) tous ceux que j’oublie, apportent des éléments de réponse divers et disparates à celles et ceux souhaitant approfondir le sujet.

Sachons tout de même apprécier les progrès accomplis

Un fait reste certain, les progrès accomplis pendant le siècle écoulé ont littéralement fait exploser les frontières de l’univers connu à l’époque de la naissance de nos grands-parents.

Ce constat s’applique en astronomie et en cosmologie pour ce qui concerne le macroscopique, tout comme ceux réalisés en physique quantique.

Il vaut aussi pour ce qui regarde la compréhension de la matière condensée pour ce qui concerne le microscopique,

Grâce à cela, une thématique – la cosmologie quantique- qui était, il y a quelques années à peine, très discrète et à la limite de l’hérésie, a pris un peu d’envergure et acquis quelques lettres de noblesse.

Il faut espérer qu’un travail constant livrera aux générations futures les réponses aux énigmes encore irrésolues. Certaines d’entre elles sont abordées sur ce site dans le chapitre : « Questions ouvertes ». 

Avant d’en arriver là, il peut s’avérer judicieux de commencer par étudier :

Bibliographie

[01] Article Wikipédia sur le sujet de la « cosmologie quantique ».

[02] « Cosmologie quantique » ; revue Internationale de Philosophie 54, no. 212 (2) (2000): 329–50 ; www.jstor.org/stable/23955587.

[03] « Un tournant dogmatique de La Cosmologie? Note Critique ». Revue Philosophique de Louvain, 104, no. 2 (2006): 347–60 ; www.jstor.org/stable/26342441.

[04] La cosmologie quantique ; (site non sécurisé) www.astrosurf.com/luxorion/cosmos-quantique3.htm.

[05] Cosmologie quantique – Définition et explications ; www.techno-science.net/glossaire-definition/Cosmologie-quantique.html.

[06] An introduction to quantum cosmology; arXiv:gr-qc/0101003, 60 pages.

[07] Einstein A., Rosen, N.: The particle problem in the theory of relativity; pp. 73-77, physical review, vol. 48, July 1, 1935.

[08] Rovelli, C. : L’ordre du temps ; ISBN 978-2-081409200, © Flammarion, Paris, 2018, 288 pages.

[09] L’effet EPR fait-il émerger le temps en cosmologie quantique ? www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-effet-epr-fait-il-emerger-temps-cosmologie-quantique-49996/, 5 novembre 2013.

[10] MTW: Gravitation.

[11] Quantum Cosmology I, Phys. Rev. 186, 1319 – published 25 October 1969.

[12] Quantum cosmology: a review; arXiv :1501.04899v1 [gr-qc] 20 January 2015.

[13] Einstein, A. : Die Grundlage der allgemeinen Relativitätstheorie; Annalen der Physik, vierte Folge, Band 49, (1916), N 7.

[14] 3 + 1 formalism and bases of numerical relativity – lecture notes; arXiv: gr-qc/0703035v1, 06 March 2007.

[15] A.D.M., the Dynamics of General Relativity; arXiv: 0405109v1, 19 May 2004.

[16] Covariant Loop Quantum Gravity (An elementary introduction to Quantum Loop Theory and to Spin foam Theory), 277 pages.